Il sera placé en IPER (indisponibilité́ périodique pour entretien et réparations) pour une durée de 18 mois. « Grand carénage », « IPER », « Arrêt Technique Majeur », peu importe le terme utilisé, il s’agit bien là d’une des opérations industrielles les plus complexes au monde.
Après une première opération « à cœur ouvert » réalisée avec succès par DCNS et AREVA-TA en 2007 – 2008, il s’agira du second des quatre ATM prévus au cours de la vie du Charles de Gaulle, entré en service en 2001. L’opération va permettre de lui redonner du potentiel, de le moderniser et de l’adapter aux derniers standards militaires.
D’un coût annoncé à 1.2 milliard d’euros, ce chantier colossal est préparé depuis plusieurs années. Aux travaux d’entretien et de maintenance habituels pour un navire militaire viennent en effet s’ajouter le rechargement des deux cœurs nucléaires (remplacement des éléments combustibles irradiés par des éléments neufs), la modernisation des moyens pour l’accueil des aéronefs (passage au « tout RAFALE » après le retrait de service des Super Etendards Modernisés) et de ses missiles (ASMPA et antiaérien METEOR), et la modernisation d’une partie importante des systèmes opérationnels.
Le rechargement des cœurs n’est pas une nouveauté, et a parfaitement été réalisé en 2007 -2008. En revanche l’ampleur de la refonte des systèmes est plus que significative, avec par exemple des centaines de kilomètres de câbles à installer et des dizaines de baies électroniques, la rénovation du système informatique opérationnel et de ses réseaux, le renforcement de moyens de cyber sécurité et le remplacement de divers équipements (radar de veille SMART-S (Thales), radars de navigation, capteurs infrarouge et optronique, systèmes inertiels, systèmes d’aide à l’appontage, système de conduite de la plateforme, …). Comme pour le neuvage du navire, les moyens du SESDA de Saint-Mandrier sont utilisés pour intégrer et valider ce nouveau système de combat, avant son installation « plug and play » à bord du navire lors du chantier.
Contrairement aux marines américaines et russes, qui peuvent réaliser ce type d’opérations en quatre ou cinq années, l’unicité du porte-avions français et les contraintes de maintien en conditions des équipages impliquent de réduire l’indisponibilité du porte-avions à moins de 2 ans. Un véritable casse-tête pour les équipes étatiques et industrielles en charge, depuis plus de 5 ans pour certains, de la préparation et de la planification du chantier.
Avec une organisation industrielle spécifique, une nouvelle grue d’une capacité de levage de 120 tonnes, et plus de 2000 personnes en 2*8 voire en 3*8 sur le chantier, l’opération démontre le savoir-faire industriel de DCNS et AREVA. Tout est fait pour, le jour prévu, permettre à la Marine Nationale de débuter sa MECO (Mise en condition opérationnelle), avant un nouveau déploiement du Charles de Gaulle au sein du groupe aéronaval.
Quelques chiffres :
Long de 261.5 mètres pour une largeur de 64 mètres, le Charles de Gaulle affiche un déplacement de plus de 42.000 tonnes en charge, ce qui en fait le plus grand navire de guerre européen. Capable de naviguer à 27 nœuds grâce à sa puissance de propulsion de 76 000 CV, il est armé par un équipage de 1900 marins (groupe aérien embarqué compris) et est conçu pour mettre en œuvre une quarantaine d’aéronefs. Pour son autodéfense, le bâtiment est équipé notamment de deux systèmes SAAM (missiles Aster 15), et des missiles à courte portée SADRAL
En 15 ans d’activité opérationnelle, le Charles de Gaulle a parcouru l’équivalent de plus de 30 tours du monde (1,2 millions de km). Le porte-avions a passé plus de 2000 jours en mer soit un peu plus de 5 ans et demi, pendant lesquels il a procédé à près de 40 000 catapultages et appontages.
philippe.adnot@ajrconseil.com