ASTRID* : un astre abandonné ? (Part 1)

* Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration

1. Introduction

En janvier 2006, le président Jacques Chirac a décidé de lancer la conception, au sein du CEA, d’un prototype de réacteur de « quatrième génération » qui devait entrer en service en 2020.

Par la convention du 9/9/2010, le CEA s’est vu confier la maîtrise d’ouvrage des études de conception du projet ASTRID jusqu’à un stade dit APD/Basic Design. Cette convention se termine fin 2019. Le CEA, avec ses partenaires, a respecté l’ensemble des jalons à fin 2017. L’enjeu pour 2018 : préparer les conditions d’une décision en 2019 sur la poursuite du programme en soutien au développement du cycle. (Nicolas DEVICTOR[1])

En avril 2018, M. François Jacq[2], candidat proposé à la fonction d’administrateur général du CEA, a déclaré devant le Sénat « ne guère croire à une quatrième génération de réacteurs sans troisième génération aboutie et exportable » et que « le déploiement industriel d’une quatrième génération apparaît éminemment lointain ». Dominique Minière1 évoque l’horizon 2080, qui correspond pratiquement à la fin de vie nominale de l’EPR de Flamanville.

Dans ce document, nous analysons succinctement l’aventure des RNR[3] en France et tentons d’esquisser leur avenir.

2. Qu’est-ce que les RNR ?

2.1 Historique

Le premier réacteur à produire de l’électricité était un RNR (EBR-1, refroidi au Na-K).

Mais il a fallu attendre BN-350 (1972), Phénix (1973) et PFR (1974) pour voir apparaître de véritables réacteurs électrogènes, même si, dans le cas de Phénix et de PFR, ils étaient fortement dédiés à des expériences d’irradiation. BN-600 (complété aujourd’hui par BN-800) et Super Phénix sont de véritables réacteurs industriels de forte puissance.

2.2 Intérêt des RNR

2.2.1 Neutronique

Sous flux de neutrons rapides, les noyaux d’uranium-238 présentent une section de capture beaucoup plus grande qu’en spectre thermique, se transmutant ainsi en Pu-239 – qui lui est fissile. Les RNR consomment donc l’uranium-238 qui constitue 99,3 % de l’uranium naturel, tandis que les autres types de réacteur (à neutrons thermiques) fonctionnent avec l’U-235 qui ne constitue que 0,7 % de l’uranium naturel, et doit – pour les réacteurs modérés à l’eau – être enrichi à un taux entre 3,5 et 5%.

Accessoirement, les neutrons rapides détruisent les actinides mineurs[4] produits dans le combustible. L’élément de haute activité à vie longue le plus pénalisant pour la gestion des déchets est l’américium, mais le rapport (section de capture / section de fission) reste nettement supérieur à 1 même en spectre rapide : plutôt qu’ils ne disparaissent par fission, les noyaux sont transmutés, ce qui est moins efficace pour leur disparition.

1.2.2 Technologie sodium

La très bonne conductivité thermique du sodium permet de fonctionner à pression atmosphérique. La température d’ébullition du sodium (883°C) permet de travailler à haute température (sortie cœur Phénix : # 550°C) ce qui permet un bon rendement thermodynamique (> 40 %, contre # 33 % pour les REP) tout en gardant une marge appréciable pour la sureté en cas de perte locale de refroidissement.

La dosimétrie du personnel s’avère couramment d’un facteur 10 inférieure à celle des REP.

[1] Colloque SFEN-PACA du 20/4/2018 ; Aix-en-Provence ; http://www.sfen.org/

[2] http://videos.senat.fr/video.631497_5ad3d1c7780e9.article-13-de-la-constitution—audition-de-m-francois-jacq-candidat-aux-fonctions-d-administrateu

[3] RNR : réacteur à neutrons rapides ; en anglais : LMFBR : liquid metal (cooled) fast (neutrons) breeder reactor

[4] AM : actinides mineurs (neptunium, américium, curium) ; ils constituent 0,1% des métaux lourds après irradiation d’un combustible REP, les américiums pesant pour # 45%.