Le projet du RJH est destiné à remplacer le réacteur Osiris définitivement arrêté fin 2015. Son objectif est d’étudier le comportement des combustibles nucléaires et des matériaux, en les « bombardant » de neutrons pour simuler le vieillissement des équipements. Parallèlement, le réacteur produira des radio-éléments pour la médecine nucléaire.
Dans un contexte de besoins en énergie croissant, de ressources en combustibles fossiles limitées, il est raisonnable de penser que l’énergie nucléaire continuera d’occuper une place importante pour la satisfaction des besoins de l’industrie et des réseaux électriques.
L’énergie nucléaire provient des réactions de fission, en attendant une utilisation industrielle des réactions de fusion. La mise en œuvre du nucléaire de fission s’accompagne, dans une démarche de progrès continu, d’un effort permanent de recherche et développement, afin d’améliorer la sûreté et les performances des installations.
Le réacteur Jules HOROWITZ* (RJH) s’inscrit dans cette logique de recherche en soutien d’une meilleure connaissance des REP de 2ème et 3ème génération et des réacteurs de 4ème génération.
Cet article présente le rôle du réacteur pour répondre aux besoins des associés français et internationaux, et décrit sommairement l’installation projetée.
Pourquoi le réacteur RJH
Fin 2013, la politique énergétique de la France est en cours de définition dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique. Même si les considérations de programmation de l’énergie nucléaire n’y sont pas incluses, nul doute que les réacteurs de 3ème génération (EPR et ATMEA), puis les réacteurs de 4ème génération, devront prendre la suite des REP actuels, à une cadence qui reste à définir en fonction de la durée de vie possible des réacteurs de 2ème génération.
Ces projets de réacteurs nécessitent en permanence des études pour accroître leurs performances, améliorer leur sûreté et prévoir leur comportement notamment en cas de défaillance d’un composant, ou d’accident du cœur. Aux études théoriques faisant appel à de puissants modèles mathématiques, il faut adjoindre obligatoirement des expériences de mise au point et de validation ; une grande partie de celles-ci nécessite l’utilisation de flux de neutrons dans des réacteurs spécialisés.
Les réacteurs électronucléaires permettent d’étudier le vieillissement des matériaux, des équipements, et des éléments combustibles dans des conditions normales de fonctionnement. Compte tenu de leur taille et des contraintes de sûreté et de production, ils ne se prêtent pas à des expériences de courte durée, en dehors du domaine de fonctionnement autorisé.
En France, les réacteurs expérimentaux EOLE, MASURCA, MINERVE (Cadarache), de très faible puissance, sont tournés vers les études neutroniques ; ORPHEE (Saclay) et le RHF de l’ILL (Grenoble), vers les études de physique ; d’autres, comme CABRI et PHEBUS (Cadarache), sont spécialisés dans les études des conditions accidentelles graves, avec fusion du combustible.
Plusieurs réacteurs d’irradiation (en anglais « Material Test Reactor ») ont été construits depuis cinquante ans dans différents pays européens pour répondre aux besoins nationaux. Ils ont montré toute leur utilité, mais ils sont arrêtés définitivement tour à tour en raison de leur âge**.
Le dernier réacteur français d’irradiation encore en service est OSIRIS, à SACLAY ; démarré en 1966, sa poursuite d’exploitation a été obtenue en 2011 jusqu‘en 2015, date à laquelle il devra être arrêté conformément à la décision du Collège de l’ASN n°2008-DC-0013 du 16 septembre 2008.
Un nouveau réacteur d’irradiation est devenu nécessaire pour disposer de flux neutroniques élevés pendant de longues durées, afin de suivre sous irradiation les comportements d’échantillons de combustibles nucléaires ou de matériaux de structure, et procéder à des essais d’endurance. Un tel réacteur devrait être capable d’accueillir des dispositifs expérimentaux très variés et présenter une grande souplesse d’utilisation.
Un réacteur d’irradiation moderne s’impose en Europe pour répondre aux besoins expérimentaux, et, compte tenu de l’importance de l’investissement pour sa construction puis pour son exploitation, ce réacteur sera unique dans la Communauté Européenne et devra répondre, par ce fait, aux besoins de différents organismes de recherche.
De façon complémentaire, ce réacteur prendra aussi la suite d’Osiris pour assurer la fourniture des radioéléments utilisés en particulier pour les applications médicales (diagnostics et soins). Lancé par le CEA en partenariat avec les industriels français EDF et Areva ainsi que l’électricien suédois Vattenfall, le RJH associe au sein d’un consortium les instituts de recherche nucléaire belge, britannique, tchèque, espagnol, finlandais, et, hors d’Europe, les instituts de recherche indien, israélien et japonais.
L’expérience montre que la capacité d’expérimentation d’un réacteur est considérablement accrue si, dès sa réalisation et à proximité immédiate, on y associe les équipements nécessaires à la préparation des expérimentations et, ensuite, à la récupération des échantillons et dispositifs irradiés. De plus, cette disposition réduit le coût de chaque expérience et la durée d’attente pour l’obtention des premiers résultats.
Le choix du Centre de CADARACHE pour l’implantation du RJH résulte :
· de l’importance en Europe du programme nucléaire français,
· de l’expérience acquise en France avec les réacteurs de ce type, dont OSIRIS,
· des infrastructures du Centre et des services de soutien existants,
· de la proximité de laboratoires spécialisés pour la préparation des expériences et pour les examens post-irradiatoires.
La sismicité du site est prise en compte dès les études de conception : les 100.000 tonnes de l’installation reposent sur 193 colonnes munies de patins élastomères, ménageant un espace d’inspection de plus de 2 mètres de haut entre les deux radiers de 1,2 m et 1,5 m respectivement [4].
L’implantation du RJH à Cadarache renforce le pôle régional de compétitivité développé autour des énergies non génératrices de gaz à effet de serre.
* Jules HOROWITZ, physicien nucléaire français, fut un des pionniers du CEA pour le développement des réacteurs nucléaires.
**Pour les nostalgiques, on peut citer, en France, EL2, EL3, PEGASE, TRITON, MELUSINE, SILOE, RAPSODIE, à l’étranger : BR3 en Belgique, HALDEN en Norvège, LFR à Petten aux Pays-Bas.